‘Avec le Salon des Refusés qui, en 1863, à Paris, fait face au Salon officiel, un âge nouveau commence : celui de l’impressionnisme et, au-delà, de l’art moderne tel que nous le vivons encore.’ Ainsi Gaétan Picon débute-t-il la présentation de son ouvrage ‘1863 Naissance de la peinture’.
La conclusion met elle-même les choses en perspective ; j’en donne ici la dernière page. J’aimerais mettre cette lecture ‘intuitive’ en correctif (au sens de verre correcteur) au Cézanne et quelques-uns… Je mettais Paul Cézanne au centre, Gaëtan Picon y situe, bien plus légitimement, Édouard Manet et son ‘scandaleux’ Déjeuner sur l’herbe.
Et cette marge, insatisfaite de l’être, ne s’oppose même pas à un centre assuré d’être tel ! L’art n’est marge que par rapport à un agrégat sans unité et sans valeur. L’art n’est marge que parce qu’il n’y a pas pas de centre ! Il n’y a plus d’art unanime, parce qu’il n’y a plus de valeur commune. Si nous nous sentons de plus en plus inquiets, frustrés par ce que nous possédons, isolés par ce que nous partageons, la valeur séparée de l’art ne peut que prendre des formes exaspérées, et allant sans cesse s’exténuant. 1863 a inauguré cet art difficile, condamné peut-être. Souvenons-nous du mot de Baudelaire à Manet : ‘Vous êtes le premier dans la décrépitude de votre art.’ Dès le début, on le voit marqué d’une sorte d’absence : le grand art qu’il remplace, et dont il dénonce si vigoureusement les formes d’imposture, possédait quelque chose d’autre, quelque chose en plus… Et ce manque, à mesure que croît sa conscience, va le ravager. Mais, en 1863, nous sommes loin de cette lucidité, de ses gains et de ses ravages ! L’art nouveau s’éprouve comme libération instinctive, invention énergique, merveille de la jeunesse. Et, quels que soient les avatars de son âge adulte, c’est de cette jeunesse que nous sommes encore émerveillés.