AU COMMENCEMENT ÉTAIT LE ‘LIVRE’

LI-KING

Li King ou Lijing, le Classiques des Rites

source : Chine Information

Chaque culture, chaque civilisation s’invente ses origines — les mythes y pourvoient — ; la Chine, l’ancienne Chine, voit, elle, dans l’origine un état idéal où régnait en maître le ‘Vide’, l’ ‘Indifférencié’. Puis vint la lente dégradation, la ‘matérialisation’, du ‘céleste’ vers le ‘terrestre’, mais il fallut bien que la mémoire, les traces originelles subsistent ; qu’une transmission ait lieu des dieux vers les hommes ; que ceux-ci gardent en eux et respectent les règles primordiales constitutives de l’ordre du monde, de l’univers. Devait alors s’instituer une ‘science’ des signes et de la manière de les révéler, de les interpréter et de les tracer afin de rendre possible, pour les plus méritants, par leur ascèse, un retour vers l »Origine’, vers le ‘Haut‘. Alors s’institua le chaman dépositaire de cette science et avec lui l’écriture initiale recueillie dans le Livre. 

Isabelle Robinet, sinologue, étudie, dans ‘Méditation taoïste’, une des principales sectes de la tradition taoïste — le grand poète Li Po en était —, la secte Mao chan (secte de la Grande Pureté), ses écrits, ses pratiques. Au départ, ici comme souvent ailleurs, il y a révélation…, et cette révélation à un ‘privilégié’, Yang hi, (4e siècle de notre ère) doit se transmettre, de maître à disciple à travers l’initiation, selon des règles et des rites, dans son intégrité ; le Livre sert alors de recueil initial, fondateur, référent. C’est à ce titre qu’il est révéré. En chinois, le Livre, c’est ‘king’. 

 

LE ‘KING’ RÉVÈLE LES LOIS DU MONDE

Le mot king désigne au premier chef la trame d’un tissu, puis les Canons, les Écritures. Il fut d’abord réservé aux Classiques confucéens, puis attribué aux Écrits sacrés des taoïstes et des bouddhistes.

Les chinois rapprochent ce mot de son homophone qui veut dire ‘chemin’ ; ils en font alors un équivalent de Tao, la Voie. Le king est la piste, le sentier. Il guide, montre, dévoile.

La valeur et le sens qu’attribuent les taoistes à leurs textes sacrés s’éclairent de la conception que se faisaient les chinois de l’écriture et des documents écrits.

Les philologues chinois ont mis en évidence le rapport entre l’écriture et la divination en Chine. Quelques exemples suffiront à l’illustrer. Le mot le plus ancien qui désigne un document, ‘ts’eu’, s’appliquait en premier lieu à une liasse de pièces divinatoires. Le mot ‘wen’, ‘graphie’, qui signifie ‘écriture’, ‘littérature’, désigne étymologiquement toute espèce de dessin, et en particulier les fissures des écailles de tortue qui servaient à la divination.

Parmi les premières ébauches de la littérature chinoise, on range les recueils de canons qui permettaient d’interpréter et d’articuler les oracles. Sous les Han, les archivistes sont des astrologues. La fonction essentielle des écrits consistait à livrer la science des signes, celle de les déceler, celle de les interpréter. Le savoir était herméneutique et l’écriture appartenait à une élite qui avait le pouvoir de décrypter le monde.

YI-KING

Pour instituer les hexagrammes du Yi king, Fou hi observa en haut les ‘dessins’, wen, inscrits dans le ciel et en bas les configurations formées par la terre. Le terme ‘configaration’ est ‘li’, qui désigne les veines de jade, puis la Norme, la structure profonde du monde ou d’un ensemble.

L’expression employée, ‘les dessins du ciel’, désigne aussi les astres, l’astronomie et l’astrologie. Les configuratîons de la terre sont les montagnes et les fleuves. Les montagnes sont sur terre ce que les astres sont au ciel ; les configurations de la terre sont la forme solide, épaisse, des emblèmes de forme subtile que sont les astres. Les emblèmes suspendus dans le ciel deviennent les montagnes lorsqu’ils sont déposés sur la terre. À l’astrologie répond la géomancie.

Les hexagrammes sont en quelque sorte les précurseurs de l’écriture. Celle-ci fut inventée par Ts’an Kie en examinant les traces des oiseaux sur le sol, traces sur la terre des messagers du ciel. Et les démons pleurèrent la nuit ; l’écriture déchiffreuse du monde, fruit de la jonction du Ciel et de la Terre, du Haut et du Bas, annonçait le pouvoir des hommes sur eux.

 

Isabelle Robinet, Méditation taoïste, pp. 30-31, Albin Michel, coll. Spiritualités vivantes, Paris,

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