Chacun de faire le voyage, auparavant c’était vers l’Italie, à l’exemple des jeunes Anglais ; en cette fin du dix-neuvième siècle, c’est vers l’Allemagne, patrie de …, Goethe…, et maintenant de Wagner. Et c’est aussi le passage obligé par l’Alsace, c’est à dire par Strasbourg, terre “française” qu’il faudra un jour libérer.
C’était Nerval, Hugo…, maintenant aussi c’est Gide, dans une sorte de bohème. Et c’est dans “Les Nourritures Terrestres“, livre de passage, livre ambigu, placé sous le signe de l’expérience autre, lointaine…, et c’est Nathanaël, le jeune ami, autre, que l’on instruit…, et c’est l’exacerbation des sens au fil du voyage, des voyages, qui nous vaut de sensibles descriptions. Le pont jeté entre la terre-d’ici et l’ailleurs nord-africain.
Ce sont aussi les lectures de mon adolescence avec leur parfum de transgression raffinée, et c’est surtout André Gide, “le littérateur“ (hors norme) de plus d’un demi siècle (1869-1951). Quand je le découvre il y a à peine plus de quinze ans qu’il est mort.
NATHANAËL…
STRASBOURG…
Ô “folle cathédrale !” — avec ta tour aérienne ! — du sommet de ta tour, comme d’une nacelle balancée, on voyait sur les toits les cigognes
orthodoxes et compassées
avec leur longues pattes,
lentement — parce que c’est très difficile de s’en servir.
AUBERGES
La nuit, j’allais dormir au fond des granges ;
Le postillon venait me retrouver dans le foin.
AUBERGES
… à mon troisième verre de kirsch, un sang plus chaud commença de circuler sous mon crâne ;
à mon quatrième verre, je commençai de ressentir cette légère ivresse qui, rapprochant tous les objets, les mettait à portée de ma prise ;
au cinquième, la salle où j’étais, le monde me sembla prendre enfin des proportions plus sublimes, où mon sublime esprit, plus librement, évoluait ; au sixième, en étant un peu fatigué, je m’endormis.
(Toutes les joies de nos sens ont été imparfaites comme des mensonges.)
André Gide, Les Nourritures Terrestres, Livre V, Gallimard, Paris, 1921, Mercure de France, 1897.
À lire également une discussion autour du Ulysse de Joyce, en 1942, JOYCE, J’AIME, republié ici récemment.
Photo : La cathédrale de Strasbourg,Wikimedia Commons.
Publié initialement dans les pages ‘Lectures en partage / Plurielles’ du site sous le clavier, la page, en novembre 2003.
On trouvera une autre évocation de Strasbourg, ici : HOMMAGE À STRASBOURG, À SA CATHÉDRALE