Franchir un seuil est chose risquée. Initiatique. Cela engage tout l’être. Être dedans. Être dehors. S’y maintenir est problématique, incertain, ambigu. Prise de pouvoir, obstruction. Incertitude, déséquilibre inquiet.
Certains atavismes culturels font résonner considérablement ce phénomène. Ainsi, en Roumanie, une puissante et profonde symbolique est attachée à la porte et à son franchissement. Elle marque sensiblement la langue mais aussi l’architecture.
Par exemple, il ne faut pas prendre à la légère la récurrence des références à la porte chez un poète comme Octavian Paler chez qui le franchissement de la porte marque emblématiquement le départ du foyer paternel, l’engagement dans la vie d’homme mais aussi l’aspiration au retour aux lieux de l’enfance, au territoire des défunts. Le rituel en est profond et grave. “Dis-moi comment tu entres ou sors (franchis le seuil), je te dirai qui tu es”.
Singuratate
Voi care vă intoarceţi acasă
şi după ce-ati închis uşa
spuneţi „bună seara‟
voi nu ştiţi ce-nseamnă
să intri pe o uşă tacând.
Solitude
Vous, qui rentrez à la maison
et, après avoir refermé la porte,
dites “bonsoir”,
vous ne savez pas ce que signifie
franchir une porte en se taisant.
Octavian Paler, Scrisori imaginare, 2007.
Traduit du roumain par I.P. et V.L.
On trouvera ☞ICI ce poème mis en relation avec un texte de même titre, et évoquant la même image, du poète argentin Roberto Juarroz.