Tes yeux, tes cheveux indécis,
L’arc mal précis de tes sourcils,
La fleur pâlotte de ta bouche,
Ton corps vague et pourtant dodu,
Te donnent un air peu farouche
À qui tout mon hommage est dû.
Mon hommage, eh, parbleu tu l’as !
Tous les soirs quels joie et soulas,
Ô ma très sortable châtaine,
Quand vers mon lit tu viens, les seins
Roides, et quelque peu hautaine,
Sûre de mes humbles desseins,
Les seins roides sous la chemise,
Fière de la fête promise
À tes sens partout et longtemps,
Heureuse de te savoir ma lèvre,
Ma main, mon tout, impénitents :
De ces péchés qu’un fol s’en sèvre !
Sûre de baisers savoureux
Dans le coin des yeux, dans le creux
Des bras et sur le bout des mammes,
Sûre de l’agenouillement
Vers ce buisson ardent des femmes,
Follement fanatiquement !
Et hautaine puisque tu sais
Que ma chair adore à l’excès
Ta chair et que tel est ce culte
Qu’après chaque mort, – quelle mort ! –
Elle renaît, dans quel tumulte !
Pour mourir encore et plus fort.
Oui, ma vague, sois orgueilleuse,
Car radieuse ou sourcilleuse,
Je suis ton vaincu, tu m’as tien !
Tu me roules comme la vague
Dans un délice bien païen,
Et tu n’es pas déjà si vague !
Paul Verlaine, Parallèlement.
En hommage et à la mémoire de Louis Calaferte qui savait si heureusement en partager la manière (… et bien sûr à …, naturellement.)
Illustration : portrait de Paul Verlaine par Frédéric Bazille, (détail).