CHEMINANT, IL N’Y A PAS DE CHEMIN
Cette traduction est dédiée, en très respectueux hommage et souvenir, au regretté Octavian Paler pour son ‘Caminante’ (roumain mais néanmoins mexicain) – qui, je le souhaite ardemment, trouvera bientôt ses lecteurs de langues espagnole et française, ainsi que, très fraternellement, à mon ami Tarek Essaker qui a su, avec talent, conjuguer – et conjurer – LES CHEMINANTS qui l’habitent depuis toujours. Par ailleurs, on appréciera dans les ‘commentaires’ – rassemblés dans le billet AUX FIGURES DE ‘CAMINANTE’ – les résonances que provoque chez lui le poème de Machado.
Caminante, no hay camino
Pour terminer. On ne peut, sans une émotion vraie, relire l’avant-dernière strophe : ‘Loin du foyer mourut le poète / Le recouvre la poussière d’un pays voisin’, quand on sait que c’est sur la route tragique de l’exil des républicains espagnols, qu’Antonio Machado, en 1939, ‘choisit’, exténué, de mourir, là, à Collioure, sur la terre de France, ‘pays voisin’… mais si loin du ‘foyer’…
Machado dort à Collioure
Trois pas suffirent hors d’Espagne
Que le ciel pour lui se fît lourd
Il s’assit dans cette campagne
Et ferma les yeux pour toujours
chantait Jean Ferrat, reprenant le magnifique poème de Louis Aragon ‘Les poètes’, que l’on peut écouter au bas du billet VOLTIGENT PARTOUT LES GROSEILLES. On peut épiloguer sur la prémonition, le ‘destin’ du poète et sa ‘fatalité’.
À propos de la traduction
Plus sérieusement. Si la présente traduction ne brille pas par son élégance, cherchant à coller au texte originel et n’évite pas certains écueils, elle corrige une erreur manifeste, qui, selon moi, oblitère le sens et la forme même du poème, la traduction de ‘caminante’ (cheminant), assimilé par la tradition, tant en français qu’en espagnol, à ‘peregrino’ (pèlerin), par ‘marcheur’, ‘promeneur’… ‘Voyageur’ me semble justifiable, si on l’entend dans le sens que lui donne le romantisme allemand : ‘Wanderer’.
Par ailleurs, la répétition, la scansion de la racine ‘caminar’ (‘cheminer’) me semble en effet fondamentale. Il en va de même de l’inversion en miroir, le chiasme, au passage de la quatrième à la cinquième strophe : ‘le chemin se fait en marchant’ / ‘En marchant se fait le chemin’. De même, sauf dans la première strophe, j’ai conservé l’équivalent du castillan ‘hacer el camino’ (‘faire le chemin’), plutôt que les ‘construire’, ‘tracer’… que l’on trouve souvent. J’admets bien volontiers que ces choix et a priori, ainsi que bien d’autres ici, sont discutables et sujets à caution. À discuter donc. Je remercie celles et ceux qui ont tenté le même aventure de traduction que moi et à qui j’ai emprunté des formules qui m’ont semblé heureuses.
N.B. : Ce texte a été publié originellement par ‘sous le clavier, la page’, le 14 juillet 2009, puis partagé avec le blogue CAMINANTE, légèrement remanié le 14 mars 2015 et remis en page le 6 avril 2021.