Avez-vous remarqué – oui, comme moi vous l’aurez remarqué – notre ère productiviste du bel Anthropocène aime à mettre en avant son esprit des Lumières technologiques. Il y a déjà une petite quinzaine d’années ici même je moquais la propension, le tic, à faire feu de tout bois des termes en ‘TIQUE’. Depuis s’est développée de manière exponentielle une tendance à l’usage, outre du terme ‘TECHNIQUE’, de celui de ‘PRO’ ; il est désormais de bon ton de faire ou d’être ‘PRO’ et ‘TECHNIQUE’. Ce n’est plus seulement votre garagiste ou la pro-stituée du trottoir d’en face qui le sont, mais n’importe quel bricoleur du dimanche, soucieux lui-aussi de l’avoir Black & Decker, ou encore le cycliste (au masculin), moins qu’amateur, du samedi matin – pendant que madame, le plancher bien dégagé, veille aux affaires domestiques – accoutré comme un coureur ‘PRO’ du Tour de France. Montre-toi ‘PRO’ et ‘TECHNIQUE’… et va-t-en rassuré !
Cette propension a même trouvé des illustrations, déjà quelque peu anciennes, dans le très sérieux cercle du monde politique. Que l’on se remémore la campagne très ‘PRO’ et très ‘TECHNIQUE’, ‘à l’américaine’ – tel le ‘Postman’ du film ‘Jour de fête’ de Jacques Tati –, du candidat à l’investiture présidentielle Jean Lecanuet en 1965 et, plus récemment, le geste lui aussi très ‘TECHNIQUE’ d’un certain président de la République, lui bien investi, un vrai ‘PRO’, suggérant en 2005 l’utilisation intensive et très ‘TECHNIQUE’ du Kärcher* afin de régler radicalement certains problèmes de sociétés cruciaux et récurrents, notamment dans les banlieues à faciès du Neuf-Trois.
Je vous fiche mon billet que, avec cet état d’esprit, on n’est pas sorti de l’auberge… ou plutôt du cabinet d’études ‘Pro & Technics’ du grand management, en voie de mondialisation, du consumérisme et productiviste de l’anthropo-scène. Mais nous n’avons pas épuisé le sujet et y reviendrons très prochainement. Il y a tant à dire, à moquer et à grimacer !
Illustration libre de toute publicité.
* Lire à cet égard le texte d’humeur du moment, publié dans ses pages, ici-même, de notre ami et complice Tarek Essaker.

P.S. : pour illustrer ma réponse ci-dessous au commentaire avisé de notre ami Luc Picard, voici le résultat de ma quête imaginée de ‘PRO’ sur la Toile… Il semble, vérification faite, que la subtile langue anglaise oppose par là les aspects positifs et négatifs, les plus et les moins, le pour et le contre, les avantages et les inconvénients, les qualités et les défauts… Voilà qui enlève du charme à mon propos et à un vieux terme bien de chez nous… et des plus illustres avec le mot de Cambronne.