JOYEUSES ENTRÉES [HOMMAGE À JAMES ENSOR]

D’UNE ENTRÉE, L’AUTRE

Commençons par la première, l’écho de Joyeuse Entrée, une banale photo de manifestation prise en perspective cavalière. Il s’agissait alors, en mars 2016, de protester contre le projet de loi réformant le code du travail et de s’opposer à ‘l’inversion de la hiérachie des normes’. Et c’est bien de cela qu’il s’agit ici : l’inversion de la hiérarchie des normes (de représentation).

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RENVERSANT !

En effet, renversantes ces deux visions, l’une faisant écho à l’autre, d’une manifestation, d’un rassemblement populaire, d’une liesse en quelque sorte.

Pour ce faire, il fallait renverser la structure de l’image elle-même pour révèler, derrière le banal, le non banal. Briser l’évidence visuelle en l’inversant, en la renversant. Opération simple, simpliste même, consistant à traiter le support en négatif et à ‘jouer’ de la saturation des couleurs : le blanc devient noir, la rouge devient cyan…, selon les meilleures (?) lois de la colorimétrie. À quoi aboutit-on alors ?

LA RÉVÉLATION

D’abord à une idée. Ce négatif-là fait immédiatement penser à quelque chose d’autre, un tableau bien connu : L’Entrée du Christ à Bruxelles de James Ensor, peint en 1888. Et c’est alors la ‘révélation’, à plusieurs titres, dont la photographique : l’image ainsi révélée non seulement, au plan de la signification, répond, fait écho, à l’œuvre d’Ensor mais répond, fait écho également, à son propos mêlant, sur le mode grotesque et baroque, à la façon flamande (Ensor est ostendais) – on retrouve la même démarche, entre autres, chez d’autres artistes flamands : Brueghel, déjà, Michel de Ghelderode et son théâtre (Le Grand Macabre…) et Jacques Brel, dans certaines de ses chansons… – mais aussi au plan formel : les personnages du cortège apparaissent désormais tels des créatures de carnaval aux costumes chatoyants, les visages ‘pâles’ sont devenus des ‘noirs’ – leur revendication est d’ailleurs de n’être plus les ‘nègres’ du capital…, à moins qu’il ne s’agisse de masques de cuir noir tels qu’il s’en porte dans les carnavals vénitiens… et dans la commedia dell’arte.

PAROUSIE

Si l’on observe bien, on s’aperçoit aussi que seul ce qui est vivant, hommes et arbres, est coloré ; les structures statiques, baraques (de foire, à frites ?), auvent, véhicules, signalisation tendent à l’achromie. Il y a de la vie et de la mort, et de la résurrection, là-dedans. Foule bariolée dans un joyeux désordre, flux bleu serpentant dans la foule et emblèmes, calicots, banderoles, drapeaux, ballons, ayant perdu leur rouge impact protestataire pour endosser le bleu d’une aérienne épiphanie. Les arbres eux-mêmes tendent leurs branches aux oiseaux du paradis.

Voilà donc qui rejoint ludiquement la première vision et s’y réfère. Joyeuses Entrées donc !

 

Photo : La Joyeuse Entrée… Dieu Merci !, VS, 9/03/2016, publiée initialement dans LA PHOTO GALERIE | Au fil des jours | 3, le 25/05/2016.

Illustration : L’Entrée du Christ à Bruxelles (2,58 × 4,30 m, 1888, Los Angeles, musée Getty).

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