L’homme assis devant un fruit mort, devant une poussière de foudre, l’homme assis devant lui-même, l’homme qui voudrait oublier l’eau, nier les rayons de l’attente, maudire le vin, sécher le sang, pulvériser la pierre avec sa tête, ne plus sentir ses mains, ses anciennes mains tissées de lumière, culbutées de souffrance, ne plus sentir sur ses épaules l’étau de l’air, au centre de son dos l’épée crispée de l’impossible, écoute en ses jambes alourdies l’appel du vide, la mort de vivre, les soifs éteintes qui dérivent, et avant que le sol ne s’ouvre sous lui — ou durcisse comme la paume épaisse d’un ami —, l’homme lève la tête vers un cœur qui bat, vers un visage sans tourment, vers deux mains claires qui cernent l’univers, rassemblent les hommes et incarnent la joie.
Armen Tarpinian, La route d’un ami, Revue Soleil, Alger, 1950.
Publié initialement dans les pages ‘Plurielles’ du site sous le clavier, la page, en octobre 2003.