LE TEMPS D’UNE DANSE / UN / [TAREK ESSAKER]

… Une route comme un fil tendu, cela se rompt. Un parcours qui boite, sans gémir, qui souffre, s’use et échappe. Un détour par ci, par là, pour saisir un de ces bouts de vies, un de ces excès improvisé, un chemin joué aux dés par une nuit bavarde et chapardeuse où les errants n’ont pas manqué de céder là et reprendre ailleurs. Une route qui permet et empêche, qui déborde du talon charnel du monde comme un excès, comme un manque, comme un rituel entre les mamelles de la terre.

Cette fois ci, chemins, êtres et choses, sensations et images, signes et reflets, ombres et silhouette, tout s’invente, à travers figures, écorchures, éclatements, chocs et brèches. Le tout danse. Le tout fait le saut, fait le pitre, fait l’illisible, le vu, le tenace, le simple, le tout juste, l’à peu près. Le tout danse, comme pour les retrouvailles d’un jour, comme pour les ruptures fauves où il s’agit, à chaque fois, de vivre et de mourir.

Tout est là, se donne, se dérobe, illisible. Mon regard touche des corps de femmes qui battent de l’aile d’avoir voulu trop porter la fatigue des hommes et caresser les vents nomades. Elle comblent et exhalent la fragilité sonore de l’aube. Ainsi tout devient promesse ou blessure qui saigne. Visages de femmes muettes aux dires des derniers hommes et des déserts qui baignent le front de la nuit.

A Night in Tunisia

par Charlie Parker & Miles Davis

De la terre, de l’écume, du ciel et tant d’autres détours. Tout ce qui touche pour aboutir comme à l’essentiel, à distance, ailleurs, et elles, Femmes, se répètent, se complètent, gracieuses et troublantes dans l’obscur, dans le printemps de décembre, comme un festin, comme un bosquet. Simplement des figures enveloppées, des mouvements égarés, à la dérive, suspendus entre le vide et son vide.

Simplement lieu, verdures dans le ciel. Danses qui bordent l’abîme, devenues digues de colère, géométrie de la béance, une déroute, horde de vertige qui disent leurs possibles. Elles se perdent, errent et apprivoisent le silence.

Danses, qui avec rage et désir, fondent et scellent les présences, les voix, les frémissements, les regards, les silences, les scellent à l’archipel du temps comme le nomade à la poussière et le marin à ses orages.

Au fil du vent et du temps, la lumière glane à l’aube ses premiers éclats. La danse s’achève. Les femmes partent en silhouettes hagardes, sans mots dire, sans s’attarder, dans les remous qui touchent aux éclatements du monde. elles décident de reprendre la route, sans visages, aucun, sombres, sans espoir, sans attente comme le sceau d’une vie libre et en marge…

Tarek Essaker

Le temps d’une danse / Un / est le premier mouvement d’un ensemble qui en compte / conte  quatre, récemment publié dans la revue ‘Liaisons’ (Bruxelles), à paraître ici même au gré de l’auteur et au fil du temps.

Illustration : Henri Matisse, La Danse.

S’abonner
Notification pour
guest

1 Commentaire
Le plus récent
Le plus ancien
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
EXCENTRIC-NEWS