LENTEUR [TAREK ESSAKER]

Sachez que rien ne nous retiendra, ni les herbes qui phosphorent, ni les songes qui, à trop d’allure sobre et lente, nous somment de délaver nos chemins incertains. Nous sommes plein d’impatience pour tant d’histoires et de mots, pour les couleurs blessées des sables, et le silence qui pavane aux marées, parmi les lunes.

Combien même, nous ne retiendrions que trop peu de notre histoire, il suffit aux lieux rêvés, lassés de turbulence, de s’émerveiller à nous conter et narrer du moins une part de notre errance dictée. Seule la terre drapée de nos linceuls comprendra.

Paysage. Nous retiendrons que la terre est blessée, en figures absentes. Nous avons froid de la même bordée, du même guet. Les yeux en cavales, en manière de corail, interpellent les écluses des voix et les eaux qui vrillent dans la dentelle des temps.

Ce qui menace est long à saisir, drapé et mystérieux, scintille entre mémoire et mémoire. Au-delà, à naviguer dans la nuit noire, pour un soleil qui tonne comme pour un éclair qui happe, ne dit-on pas que nous avons encore du chemin, et la jetée pour malédiction.

Nous retiendrons au détour des bouches et des lèvres, en goûtant aux rires des vents et leur halage, que peu à peu le bruit, comme la lumière, dérive, comme ils tarissent en nous.

Nous retiendrons que notre chemin est lancinant, qu’il lacère et écorche. Une manière de réparer l’oubli. Le dévoilement permanent du monde et celui de son être. Celui des origines toujours en instance, en mouvement, en assaut, entre ce qui nous préoccupe en profondeur, et ce pour quoi on n’abdiquera pas.

Cette volonté ferme et acharnée d’épandre les cendres de nos morts et de nos vivants, entre un dedans qui s’ébroue et un dehors qui dame les fougues, non sans déchirure et brisure. Ils se heurtent, s’habitent et se prolongent vers un ailleurs timide. Nos pas nous terrassent comme on terrasse la terre.

Cheminement qui ne prend forme et tracé que pour repousser les limites de l’entendement et donner sur quelque chose de plus intensément vaste et étendu. Ce cheminement qui déhoule, qui fait désamarre. Ces traces toujours solubles dans l’oubli. Ce souffle premier qui agit au cœur du mystère et veille en nous. Est-ce l’ourlet des calligraphies blessées qui s’en est allé, dérobé dans les grands chaos ?

Être dans ce qui manque à ce verbe perdu et qui désemplit l’infini de l’humain. Recherche en soi et du monde dans l’infinité de l’indicible et de l’invisible. Être de ces pierres qui s’épanchent de pierres, de ces contes qui ne content que pour l’oubli. Un oubli grave comme guérir, comme chemins de traverse qui hissent et détissent.

Point de répit. Un parcours plus dépouillé, ancré dans l’incertain, qui, sans cesse, à la fois apaisé et tourmenté, avec élan, prend son envol vers d’autres cimes, et nous relance.

Garderons-nous de ce chemin, ses pas, ses ravines et ses collages en friche, qui, plus d’une fois, se déguiseront et bégayeront leurs insoupçonnées expériences ? …

Tarek Essaker

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