Il est de ces poèmes, incertains sans doute, auxquels on s’accroche, on se rallie comme à des étendards en loque. Ils nous disent aussi bien que nous-mêmes. Et qu’importe alors si la mémoire de l’auteur, elle-même, s’est effilochée au fil de l’histoire. Gageons aussi qu’il est ainsi des trames qui ne s’égarent jamais tout à fait.
je suis entré dans la vie
mon poing ganté de tristesse
tenant l’épervier du rêve
je me suis meurtri les pieds
aux cailloux du chemin
j’ai écorché mes genoux
aux ronces du taillis
j’ai brandi ma main gauche
sanglante de rixes inutiles
au-dessus de l’azur des bonheurs égoïstes
mon épervier s’est envolé.
il ne me reste plus que mon gant de tristesse
et mes plaies à vif sous le soleil des hommes
Jean-Marc Lechâtel.
Revue ‘Soleil’, n° 2, Alger, 1950.