À PROPOS D’ŒUVRES DE ZUZANA HULKA.
À Zuzana, pour ce plaisir-là.
Paris, le 17 mai 2005.
À l’automne 2000, Zuzana Hulka me commandait — quel drôle de mot ! — un texte “libre” pour répondre aux reproductions de ses peintures qui devaient figurer dans le catalogue de l’exposition collective “Pour le plaisir”, prévue en février 2001, en compagnie d’Alix Le Méléder et Luc Rigal, au Musée National des Techniques de Prague.
Il ne s’agissait pas, bien sûr, pour moi de faire travail, ou œuvre de critique, mais à fréquenter alors assez régulièrement l’atelier de Zuzana, c’est une sorte de conversation lyrique, un dialogue à deux, voire plusieurs voix, que je tentais, de manière aussi concise, voire elliptique, que possible, en y convoquant, outre Baudelaire et Rimbaud, les figures musicales de Mozart, de Messiaen et, bien évidemment, de Janacek, l’illustre, impétueux — et très lyrique — compatriote morave de Zuzana. Il s’agissait bien de répondre au rythme par le rythme, à la couleur par la couleur… Correspondances, donc. Parti pris, pari pris… Pari tenu… ?
Le court texte ci-dessous n’a d’aucune manière prétention d’illustrer les peintures en regard, même si l’articulation du catalogue d’alors et le découpage du texte qui en résulte — que je reprends globalement ici — en donne l’impression.
Ce texte, bien évidemment conçu en français, doit sa qualité, traduit en tchèque, à Mirka Valová et la reproduction des œuvres, que j’espère prochainement proposer à partir des clichés originaux, au talent de photographe de Yann Bohac (qui réalisa également la maquette du catalogue de l’exposition).
Pour être plus complet dans mon propos, j’ajouterai à l’audition la pièce pour piano « Elles bavardaient en hirondelles (Sur un sentier recouvert, premier cahier) » de Léos Janáček dans l’interprétation d’Alain Planès.
Zuzana Hulka, qui demeure au centre du propos — et qui inspira le motif de Paul Cézanne et quelques-uns —, est peintre et lithographe, née en Moravie en 1951, elle vit et travaille à Paris.
Audition colorée. Un mot savant : synopsie. Des correspondances. Déjà chez Baudelaire, Rimbaud. Dans chaque sens. Peinture, musique. Musique, peinture. Les Chinois disent : écouter avec l’œil, regarder avec l’oreille. Synesthésie, un autre mot savant Chez Messiaen aussi : Couleurs de la Cité céleste. Ainsi sa musique. Et la tonalité qui s’applique à l’une, à l’autre… et aux états affectifs. Justement…
Barevný poslech. Odborně. řečeno synopsie. Korespondence. Jako již u Beaudelaira a Rimbauda. Zasaženy jsou všechny smysly. Malba, hudba. Hudba, malba. Číňané říkají : poslouchat očima, dívat se ušima.Synestesie, další odborný výraz. Je tomu tak i u Messiaena : Barvy Nebeského města. A podobně v jeho hudbě. A tonalita, pojící se k jednomu i k druhému… a k citovým stavům.
Parler du lyrisme — climat poétique — de l’œuvre de Zuzana Hulka, c’est faire éclater sa musicalité. Peinture toute en touches accordées, rythmiquement accordées. Mode majeur ? Mode mineur ? Souvent majeur. Quoique… Voyez Mozart ! Harmonie colorée, judicieusement organisée. Chaque touche à sa juste place. Au millimètre près, dit-elle. Par nécessité interne à l’œuvre, comme chaque note, chaque son appelle l’autre, inscrit son devenir. Posée la première, le destin de la toile s’accomplit, est accompli. Jusqu’au point ultime, sublime, fragile, oui, où tout suspendre… indéfiniment. Silence.
Chceme-Ii hovořit o Iyrismu a poetické náladě tvorby Zuzany Hulky, musíme vyzdvihnout jeho muzikálnost. Celá malba je sladěná rytmicky navazujícími tahy. V dur či v moll ? Často v dur. Ačkoli… Vezměte si třeba Mozarta ! Barevná, uvážlivě uspořádaná harmonie. Každý tah má své přesné místo. Na milimetr, jak říká sama výtvarnice. Z vnitřní potřeby díla vyplývá, že jako každá nota, tak i každy zvuk předurčuje ten další, předjímá svou budoucnost. S prvním tahem štětce se osud plátna naplňuje, je zpečetěn. Ano, až do poslední nejjemnější a křehké tečky. A pak všechno zastavit… na neurčito. Ticho.
De ce silence écouter l’œuvre, son bruissement, sa vibration. Couleurs du vent dans les arbres, miroitement de l’eau dans les flaques des ornières. Frémissement du ciel en reflet. Changeant. Paysage mnésique. Moravie. Années cinquante. Une enfant solitaire joue. Une touffe d’herbe (résurgente). Une motte de terre (détrempée). Mêle le tout. En fait une boule. Contact souple et acide de la glaise. Matière.
V onom tichu nasloucháme jemným zvukům a chvění namalovaného díla. Barvám větru ve větvích stromů, třpytu vody v kalužích mezi kolejnicemi. Šumění odrazů oblohy. Proměna. Krajina vzpomínek. Morava. Padesátá léta. Hrající si osamělá dívenka. Trs trávy (právě rašící). Hrouda hlíny (rozmočená). Malířka vše smísí. Vznikne koule. Cítíme měkký a kyselý dotyk jílu. Struktur.
Là, l’étang. Là, les arbres. Oiseaux, ciel, soleil, nuages. Chatoiement coloré. Janacek. Sur un sentier recouvert, premier cahier. Elles bavardaient en hirondelles. Justement ! (Non! Ce n’est encore qu’une ébauche de printemps, lumières nouvelles pourtant).
Pybník. Stromy. Ptáci, obloha, slunce, oblaka. Barevné odlesky. Janáček. Po zarostlém chodníčku, první sešit. Štěbetaly jako vlaštovičky. Přesně tak! ( Ne ! Ač světlo se zdá tak nové, je zatím jen předzvěstí jara ).
Elles bavardaient en hirondelles Léos Janáček
Oko naslouchá. Ucho se dívá. Zuzana Hulka. Spřádá se čas pohledu. Rodí se barevný zpěv gesta na plátně.
v.l., 23 novembre / 23. listopad 2000.
Photos des œuvres de Zuzana Hulka par Yann Bohac, respectivement :
I, II, bez názvu / sans titre, 2000, olej na plátně / huile sur toile, 205 x 222 cm.
III, IV, V, bez názvu / sans titre, 2000, olej na plátně / huile sur toile, 150 x 160 cm.
Štěbetaly jako vlaštovičky | Elles bavardaient en hirondelles | Léos Janáček | Alain Planès, piano.