Nous avons le temps.
Nous avons du temps pour tout.
Dormir, courir de droite à gauche, regretter nos erreurs et en commettre encore, juger les autres en nous absolvant.
Nous avons le temps de lire et d’écrire, de corriger nos œuvres et de regretter ce que nous avons écrit.
Nous avons le temps de faire des projets et de ne pas nous y tenir.
Nous avons le temps de nous faire des illusions, en fouillant plus tard leurs cendres.
Nous avons le temps de nos ambitions et de nos maladies, pour accuser le destin et ses vétilles.
Nous avons le temps de regarder les nuages, les réclames ou quelque accident.
Nous avons le temps d’éloigner nos doutes, d’en retarder les réponses.
Nous avons le temps de briser nos rêves, pour les ressusciter ensuite.
Nous avons le temps de nous faire des amis, pour les perdre.
Nous avons le temps de recevoir des leçons, pour les oublier aussi.
Nous avons le temps de recevoir des présents sans comprendre leur sens.
Nous avons du temps pour tout.
Il n’y en a seulement pas pour un peu de tendresse.
Quand il nous arrive de le faire, nous mourons.
Octavian Paler, Poèmes, traduction du roumain de VincentSteven et Ivona Panaït [tous droits réservés].
À la mémoire d’Octavian Paler [1926-2007] et à ma co-traductrice, très chaleureusement.
On trouvera d’autres écrits d’Octavian Paler en traduction et en version bilingue ☞ ICI