PRÉMONITION ?… PRÉMUNITION ?… [GEORGES PERROS]

DRÔLE DE GUERRE

Ce fut tout à coup comme si nous vivions dans un monde totalement faux, mensonger. Comme si nous n’étions attentifs qu’aux futilités. Ce fut parfait. On aurait souhaité l’éternité de ce état de guerre sans victimes – ou presque –. Ah ! ce n’est pas facile. Mais je serais tenté de dire que ce qui vient de se passer en France est plus grave qu’une guerre, où tout le monde est mobilisé, bon gré mal gré. C’est dire que la vie quotidienne est plus importante que l’éternelle soumission aux dictatures. C’est dire que laver son linge sale en famille est plus tragique que d’aller, on ne sait pourquoi, trop pourquoi, se battre à nos frontières. Cela pendait au nez de nos chers compatriotes. Cela pend toujours, malgré les formules parlementaires : cela ne sera plus comme avant. Mais dire que cela sera toujours. Ou pas modifié dans la forme.

Georges Perros, Œuvres, 1968, Quarto, Gallimard, pp. 786-787.

 

Cinquante-deux ans plus tard ! Que nous écrit Georges Perros ? traitant de ces ‘évènements’, comme il se disait alors, qui n’ont toujours pas trouvé d’autre nom ? Ceux ‘d’Algérie’, en ont finalement trouvé un – non, deux ! D’un côté, le ‘nôtre’ (?), ‘Guerre d’Algérie’ et, de l’ ‘autre’ (lequel ?), ‘Guerre d’Indépendance’… Avec tout ce que cela implique pour les belligérants (et celles et ceux que par là même ils impliquent : victimes, combattants, responsables à divers titres…)

Bon, finie la digression : ‘Mai 68’ – cela suffit ! –,  ‘état de guerre sans victimes – ou presque…’, ajoute encore Perros. Aujourd’hui (quand ?), il n’en va plus de même : des victimes à foison, par dizaines de milliers, ici comme ailleurs.

Hécatombe ? Mais, sur le fond, ‘ce qui vient de se passer en France est plus grave qu’une guerre, où tout le monde est mobilisé, bon gré mal gré’, poursuit-il. Oui ! mais qu’en est-il alors de cette ‘mobilisation’ ? Autant celle de ’68 pouvait faire penser à ces sans-culottes se portant aux frontières pour défendre la jeune République tout juste éclose de notre bien-aimée Révolution, autant celle-ci, la prétendue présente, me paraît ressembler à celle de 1938, avortée, et de 1939, la vraie, où nos chers mobilisés de parents ou grands-parents, montaient au front avec un poids sur les reins et un autre sur la poitrine et l’estomac.

Voilà où nous en sommes de cette pas ‘drôle de guerre’ (vraie ou fausse) face à un ennemi insidieux et invisible. Si bien que l’on ne sait trop vers quelles frontières, en vérité, se porter pour se battre – nous batt(r)ons-nous ? Mais, à dire vrai, sommes-nous même réellement ‘mobilisés’. On nous a sommé de faire quelque chose, mais ne distinguons pas exactement quoi… et ceux-là même qui ont donné les ordres paraissent tout autant dans l’incertitude et l’indécision. Que faire vraiment… et comment ?  Et quoi, au fait ?!

‘Cela pendait au nez de nos chers compatriotes. Cela pend toujours, malgré les formules parlementaires : cela ne sera plus comme avant. Mais dire que cela sera toujours. Ou pas modifié dans la forme.’ Là-dessus, nous sommes d’accord !

On trouvera un autre billet consacré à Georges Perros ICI.

Photo [détail] : Drôle de guerre, ECPAD, 2018

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