Tu regardes devant toi, les yeux embués d’enfance, des rêves de petite fille doux comme une chambre où l’on s’endort, avec la voix d’une mère qui, depuis toujours, nous laisse ignorer ce qu’est la douleur.
Mais le ciel, en bougeant, charrie le vrai nom des choses, et tu te retrouves confrontée aux heures noires d’insomnie, tu te retrouves dans la cage de tes os qu’aucune lueur ne pénètre. Rien, le temps ramassé sur lui-même, arrêté, sans passion ni courage pour te demander derrière quel visage est cachée ton âme.
Tu n’interroges pas l’ampleur du désastre qui vibre en toi avec ses bruits de volcan, pourtant musique, pourtant silence enfoui dans la chaleur de tes fibres. Il est si tard pour chercher à percer un secret que tu n’as jamais voulu connaître, peut-être plus tard que tu ne penses. Il aurait fallu t’habituer à prononcer le mot destruction comme une simple entrée du dictionnaire, et tu ne le peux pas. Tu préfères exister dans des mots sans mémoire, là où les jours s’accrochent les uns aux autres sur la chaîne avare des jours. C’est ta damnation. Mais quel péché expies-tu qui te tient ainsi attachée au sol lourd du poids de ses pierres ?
Tu ne pleures pas, pourquoi n’as-tu pas pitié de toi ? ll faut tant de larmes pour sortir vivante de sa propre vie. Telle est notre humanité. Une immense solitude, baignée cependant par des eaux capables de nous secourir.
Il suffirait sans doute de t’imaginer comme une étrangère sur cette falaise pour distinguer, au bout de l’horizon, une main ouverte, tendue vers toi. Car chaque ciel crée des images qu’il s’agit de fixer dans notre œil. Là notre possible, là notre étonnement, un tout petit espoir qui nous retient parfois de tomber. Alors la terre se remet à toumer sur elle-même jusqu’à ses prochaines secousses, encore une fois tu es sauve, mais pour combien de temps ?
Bientôt ce sera une autre nuit, peut-être ne reconnaîtras-tu plus tes gestes. Avec une infinie précaution, tu tremperas ta plume dans l’encre mauve d`un abandon qui tant de fois t’a vue mourir et ressusciter.
Tu prendras acte de l’instant connue s’il s’agissait d’un poème. Les mots nous ressemblent toujours plus qu’on ne croit.
‘Main ouverte’, c’est ce nuage… dans son duvet je me love… et m’endors, bercée par ma mémoire.